lundi 19 juillet 2010

C9. RENCONTRE au MANDI MARKET (Udaipur, 19.07.10).



RENCONTRE au MANDI MARKET

(UDAIPUR)



Il regarde la fillette.
Penchée, elle sculpte un morceau de pierre à petits coups de marteau.
A côté, des statuettes d'éléphants et de Ganesh sont étalées pour attirer les passants.
Elle lève la tête, lui sourit. Pourtant, il ne pourra rien lui acheter.
Il saisit une éléphante, avec un bébé dans le ventre, qu'il repose.

Il hoche la tête gravement.
La fillette reprend sa sculpture informe.
Il hoche la tête interminablement.
Quelque chose semble détraquée dans sa boîte à penser.


Au Mandi market, on s'est habitué à le voir errer devant les étals.
On lui donne, ici une banane, là un verre d'eau.
Il semble fasciné par l'alignement impeccable des noix de coco.

Il ne parle jamais, pousse des grognements.
Son sourire timide édenté lui vaut la sympathie des vieilles et des vieux.
D'où vient-il ?
Personne n'en sait rien.

Il lui arrive de s'asseoir.
C'est souvent pour observer le travail d'un vannier, confectionnant un panier d'osier, ou une natte, délicatement entrecroisée.
Il n'a jamais pu dire son nom.
On l'appelle le Vieux.

Il dort ici ou là, comme les oiseaux, les chiens, les vaches, comme toutes les créatures de dieu.
Il dort là où le sommeil le prend.
Il est souvent fourré dans des temples hindous, dans la mosquée du quartier.
Il peut aller partout. Il n'a jamais rien volé, rien demandé.
On lui donne, voilà tout.

Je le rencontre devant les statuettes de la fillette.
En souriant, il me fait le salut traditionnel.
Je lui retourne le salut et le sourire.
Il est grand, maigre, sa tignasse blanche est irrécupérable.
Une silhouette d'aveugle frappé par la foudre.


Spontanément, je lui remets les bananes que je viens d'acheter.
Il prélève une banane, me rend les trois autres.
Comme lui, j'épluche une banane, que nous mangeons.
Nouvelle salutation.
Et il reprend son errance du côté des marchands d'épices.


Lionel Bonhouvrier.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire