vendredi 23 juillet 2010

D3. TEMPLES du MONT ABU : PRESENTATION (23.07.10)



TEMPLES JAINS DU MONT ABU :

PRESENTATION





Comment extraire l'essentiel de mes visites aux temples jaïns de Dilwara, communément appelés temples du Mont Abu ?
J'ai choisi d'écrire deux textes.
Celui-ci, qui présente ces temples exceptionnels, de la facon la plus simple, la plus abordable.

Un second texte, plus technique et beaucoup plus long, sera une ANALYSE pour ceux qui cherche à en savoir davantage.







Lionel Bonhouvrier.

jeudi 22 juillet 2010

D2. MISTER GOODVERYGOOD (22.07.10) (Mont Abu)



MISTER GOODVERYGOOD
(Mont Abu)



Au Mont Abu, se loger à un prix correct nécessite de la patience et de la ténacité.
Quant au manger, nul souci, une multitude de dhabas, de restaurants en font une ville touristique, fréquentée par une clientèle surtout indienne.

J'ai mes habitudes au Neelam restaurant.
Les clients ne s'y bousculent pas.
Pourquoi ? Je n'en sais rien, car la nourriture m'y plaît.
J'ai beau changer de plats, je suis toujours satisfait après le repas.

Le patron est particulier.
Un corps petit et malingre, un visage laid, des sourires bizarres, virant à la grimace...
Pourtant je l'aime bien.

Il ne semble pas tenir à ce que je choisisse les plats les plus chers.
Il me recommande dans une catégorie (par exemple "Indian food") un plat souvent bon marché.
Très vite, j'applique ses conseils.

- Do you have lassi ?
- What do you want ?

- A sweat lassi, please !

- Oh, sir ! Lassi is not very good...

- And your Lemmon tea is good ?

- Yes, sir ! Very good !

Renonçant au lassi, je choisis un thé au citron, très bon.

Il aime passer deux ou trois minutes après le service pour me questionner.
- It is good ?
- Yes, it is. Thank you sir !


Mais souvent, il fait lui même question et réponse :
- It is good ? Yes, I see... It is good ! Very good !

C'est un intuitif, qui devine que ses plats me plaisent.
Et il ne peut s'empêcher de le dire à ma place.

Dès le lendemain, il se contente de :
- Good ? Very good ! En hochant la tête, d'un air assuré.

Cette manie inoffensive lui vaut le surnom de Mister GOODVERYGOOD.


Lionel Bonhouvrier.

mercredi 21 juillet 2010

D1. DANSE, mon COEUR, DANSE ! (Mont ABU) (21.07.10)



DANSE, MON COEUR, DANSE !


(Mont Abu)



Connaissez-vous les temples jaïns du mont ABU ?
Cette année, j'y suis enfin.
Et je ne suis pas déçu du voyage...
Six heures de bus au moins séparent Udaipur du Mont Abu.
C'est la seule station climatique du Rajasthan. Elle surprend, dans cet État plus connu pour ses steppes et son désert que pour ses collines verdoyantes.

Les temples jaïns sont construits à Dilwara, à 3 km du centre de Mont Abu.
Mais je marche d'abord vers le temple Adhar Devi, à travers un sous-bois, puis un versant occupé çà et là par de belles villas.
Ce temple hindou, perché en haut d'une colline, vaut largement la montée, un peu rude sous le soleil de midi.
Les marches passent sous plusieurs arches, où l'on peut faire sonner une cloche. Je m'improvise sonneur, car les pèlerins sont encore rares.


Au sommet, le panorama permet de découvrir toute la région.
Après la visite, le gardien me conseille de prendre un raccourci. Un sentier descend à travers une cambrousse verdoyante, magnifique.
Suivant d'un oeil les approches d'une bande de singes, je m'arrête de temps à autre pour admirer agaves et plantes géantes, artistiquement plantées au petit bonheur.
Plus bas, des rochers annoncent un méplat, où l'on marche sous les arbres à l'abri du soleil.Pour gagner Dilwara, je rejoins une route et me dirige au jugé.


L'entrée des temples de Dilwara est gratuite.
En ce début d'après-midi, deux files d'attente me rappellent les contraintes de la civilisation. De nombreux casiers pour les chaussures sont occupés...
Il est interdit de photographier. On doit laisser au vestiaire : appareils photo, caméras, téléphones portables, gadgets favoris des touristes.
Sacs et bouteilles d'eau doivent être également déposés...
Un gardien veut que je laisse aussi cahier et stylos.
Je refuse catégoriquement.
Je veux bien avaler un litre d'eau en deux minutes, mais j'exige de garder de quoi écrire et dessiner !

A une trentaine de mètres de l'entrée, j'entre dans le temple Vimal Vasahi.
J'y reste plus de quatre heures, jusqu'à la fermeture...
Je ne peux parler dans ce premier texte de tout ce que j'y ai vu.
Cela occupe dans mon cahier neuf pages de dessins et de notes.

J'évoquerai seulement une frise, sculptée en dessous d'une coupole latérale.
Cinq danseurs encadrés par deux musiciennes, jouant du tambour.
Cette danse sacrée, d'une incroyable jeunesse, me donne des fourmis dans les jambes.
On devine les rythmes qui transportent de joie les danseurs.
Chanter est inutile, les jambes gambadent avec souplesse, même si les bustes restent droits.

Avec quatre bras et deux jambes, tous les gestes sont possibles.
Les danseurs recourbent le bras au-dessus de leur tête, posent une main sur leur plexus, montre l'intérieur d'une paume...
Les jambes se croisent, une jambe se pose en haut d'une cuisse, il suffit de suivre le rythme.

Les danseuses aux seins de pamplemousse dansent, dansent, emportent mon coeur sur des ellipses sidérales.
Leur danse invente les gestes exprimant les pulsations de l'univers.
Lionel Bonhouvrier.

mardi 20 juillet 2010

C10. LAL GHAT GUESTHOUSE, UDAIPUR

LAL GHAT GUESTHOUSE

UDAIPUR




Cette guesthouse est ma préférée à Udaipur.
Après un premier séjour en 2003, j'y reste de nouveau quelques jours en 2010.
Un soir, je discute avec le patron Mundra Fameli, qui répond à toutes les questions que je me pose sur cette guesthouse exceptionnelle.

Et d'abord, d'où vient cette vieille structure de pierres ? Les sculptures sont admirables, au rez de chaussée comme à l'étage.
Je n'ai trouvé cela dans aucune autre guesthouse !
Mundra Fameli a débuté en 1982.
A l'époque, sur la berge du lac Pichola, il n'y avait que cinq grands bâtiments : deux palais (City palace et Jagat Niwas), le Kankarwa Halevi, le Bagore Ki-Haveli et l'ancienne auberge.

Le bâtiment ancien qui m'intrigue est une auberge, qui existe depuis trois siècles.
Elle accueillait les visiteurs du maharaja d'Udaipur.
Cela explique les piliers de pierres, des éléments d'arche de pierres, les restes d'abreuvoirs...
Les écuries pour chevaux et éléphants ont été détruites.

En 1991, le patron fait déplacer d'énormes blocs de pierres, restes des écuries. On les retrouve çà et là dans la cour !
Puis il fait construire le bâtiment moderne, où la majorité des voyageurs dorment aujourd'hui.

La situation de la guesthouse est admirable.
En bordure du lac Pichola, touchant le Bagore Ki-Haveli, ce qui permet d'écouter gratuitement de la terrasse le concert quotidien de 19h...
Elle est à deux pas du Jagdish Temple, coeur véritable de la vieille-ville d'Udaipur.

Une cour centrale plantée d'arbres, sépare le nouveau bâtiment, côté entrée, de la vieille auberge, côté lac.
J'y écris de temps en temps sur une grande table de bois.
En juillet, les travaux allaient bon train : remise à neuf du magasin cybercafé et de plusieurs chambres au rez de chaussée de la vieille auberge.

Chacun y a sa place, quelle que soit l'épaisseur de sa bourse.
Les chambres simples coûtent 150 roupies, les doubles 250 Rs, avec les douches dans la cour.
Les chambres avec salle de bain sont louées à 400 et 600 Rs.
Sur la première terrasse, les suites de luxe à l'étage de la vieille auberge sont à 1200 et 1500 Rs.

Tout ce qui précède est fort bon.
J'allais oublier l'essentiel, en ce qui me concerne.
J'occupe toujours la chambre 4, au premier étage de la vieille auberge.
Vers 5h30, je me lève, grimpe l'échelle de la terrasse supérieure, au surplomb du lac.
Chaises et tables permettent de contempler à l'aise un large panorama.
Quel observatoire sur le lac Pichola, les îles, Lal Ghat et Gaur Ghat, le City Palace et de l'autre côté du lac, Hanuman Ghat et les collines au loin...

J'y reste des heures, très occupé à écouter les oiseaux, à regarder leur vol, leur pêche dans le lac. Et les vaines tentatives d'un chien pour s'offrir une boule de plume en guise de petit déjeuner.
Rassasié de paix, quand le jour se précise, j'écris tout mon saoul.
Le tap-tap des lavandiers rythme mes phrases, aucun bruit de moteur jusqu'à huit heures.

Je grimpe aussi en fin en soirée sur cette terrasse, pour respirer la fraîcheur et méditer sur la journée écoulée.
Vingt minutes de grâce, oreilles et narines grandes ouvertes.
Quelles sont les nouvelles du silence ?
Cela vaut toutes les berceuses.

Lionel Bonhouvrier.

lundi 19 juillet 2010

C9. RENCONTRE au MANDI MARKET (Udaipur, 19.07.10).



RENCONTRE au MANDI MARKET

(UDAIPUR)



Il regarde la fillette.
Penchée, elle sculpte un morceau de pierre à petits coups de marteau.
A côté, des statuettes d'éléphants et de Ganesh sont étalées pour attirer les passants.
Elle lève la tête, lui sourit. Pourtant, il ne pourra rien lui acheter.
Il saisit une éléphante, avec un bébé dans le ventre, qu'il repose.

Il hoche la tête gravement.
La fillette reprend sa sculpture informe.
Il hoche la tête interminablement.
Quelque chose semble détraquée dans sa boîte à penser.


Au Mandi market, on s'est habitué à le voir errer devant les étals.
On lui donne, ici une banane, là un verre d'eau.
Il semble fasciné par l'alignement impeccable des noix de coco.

Il ne parle jamais, pousse des grognements.
Son sourire timide édenté lui vaut la sympathie des vieilles et des vieux.
D'où vient-il ?
Personne n'en sait rien.

Il lui arrive de s'asseoir.
C'est souvent pour observer le travail d'un vannier, confectionnant un panier d'osier, ou une natte, délicatement entrecroisée.
Il n'a jamais pu dire son nom.
On l'appelle le Vieux.

Il dort ici ou là, comme les oiseaux, les chiens, les vaches, comme toutes les créatures de dieu.
Il dort là où le sommeil le prend.
Il est souvent fourré dans des temples hindous, dans la mosquée du quartier.
Il peut aller partout. Il n'a jamais rien volé, rien demandé.
On lui donne, voilà tout.

Je le rencontre devant les statuettes de la fillette.
En souriant, il me fait le salut traditionnel.
Je lui retourne le salut et le sourire.
Il est grand, maigre, sa tignasse blanche est irrécupérable.
Une silhouette d'aveugle frappé par la foudre.


Spontanément, je lui remets les bananes que je viens d'acheter.
Il prélève une banane, me rend les trois autres.
Comme lui, j'épluche une banane, que nous mangeons.
Nouvelle salutation.
Et il reprend son errance du côté des marchands d'épices.


Lionel Bonhouvrier.

C8. FILS du CIEL (Poème, Udaipur, 19.07.2010).



FILS du CIEL

(Poème)




Car je marche dans la beauté
je marche dans la beauté du monde
quand le chant devient musique
de joie, le coeur s'envole

Je respire le ciel
porté par le chant de gloire
le chant de louange

nous - fils du ciel
nous nous rions du temps
nos enfants ont la beauté
bleutée - de topaze


Lionel Bonhouvrier.

C7. SOCIOLOGIE des TERRASSES (Udaipur, 19.07.2010)



SOCIOLOGIE des TERRASSES

(Udaipur)



A qui appartient cette grosse paire de jumelles ?
Elle traîne sur une des quatre tables du restaurant Shiva.
Sur la terrasse, personne.


Contempler le lac Pichola est toujours un plaisir.
Puis je m'assieds à une table pour écrire.

Plus tard, un homme apparaît sur un toit, de l'autre côté de la ruelle.
Portable à l'oreille, il va et vient en téléphonant.
Nous ne sommes pas très éloignés, mais je n'entends pas ses paroles.

Vers 17h, le ciel se bouche, les nuages épais noircissent.
Un orage peu ordinaire s'annonce.
Vingt minutes plus tard, une cataracte d'eau me surprend au milieu d'un poème.
Les collines environnantes ont disparu, le paysage a rétréci.

Je me lève, approche de la balustrade.
Un déluge s'abat sur Udaipur !

Une violence élémentaire, pure.
Des traînées d'eau traversent l'espace comme des câbles de fibres optiques.
Impossible de ne pas admirer un tel déchaînement.
De l'eau éclabousse mon visage et mon corps, je recule un peu.

En face sous la pluie, l'homme continue de téléphoner avec son portable.
Bizarre... Il risque de le détériorer...
Pourquoi ne le protège-t-il pas ?
Et pourquoi reste-t-il sous l'averse ?

Sur la terrasse d'un hôtel-restaurant, en surplomb du lac, une douzaine de jeunes Occidentaux s'agitent sous les flots.
Ils s'encouragent, dansent, s'amusent beaucoup.
Se doucher tout habillés, quel bonheur !
Un groupe d'Anglo-saxons, d'après leurs voix.
L'homme au téléphone les regarde, entre deux allées et venues.

Le cuisinier arrive.
C'est un jeune homme sérieux, père d'une fillette craquante, qui vient discuter avec lui de temps en temps.

Je l'imagine mal comme le voyeur aux jumelles.
Il éloigne les chaises pour les protéger.
L'eau ruisselle à partir de la balustrade et envahit
peu à peu la terrasse.
Ensuite il s'occupe dans la cuisine.


Je déplace la table vers l'intérieur, dépose mon sac hors de portée des giclées d'eau.
Le bruit de l'eau remplace les autres sons, accentue l'emprise de l'orage.
La pluie redouble.
Aurait-elle l'éternité pour noyer la planète ?


A droite, sur une autre terrasse , deux hommes et une femme nagent dans une piscine.
Le bavard, fasciné par la nageuse, oublie son téléphone.
La nageuse sort de l'eau, se sèche avec une serviette.
Elle finit par s'apercevoir qu'un homme scrute ses moindres mouvements.
Elle quitte la terrasse.
Un seul nageur continue sous la pluie quelques longueurs.
L'homme se remet à téléphoner...


Les trombes d'eau s'allègent, le plus fort de l'orage est passé.
Les jeunes poursuivent leurs jeux aquatiques.
L'un s'allonge dans une flaque et mime la brasse.
D'autres enlèvent un vêtement et l'essorent.

On se prend en photo, tous ensemble, puis par petits groupes.

La pluie s'arrête progressivement.
La pression se relâche, le paysage renaît des eaux.
Soulagé, je descends faire une promenade autour du lac.


Le lendemain, je m'assieds à la même table.
L'homme au téléphone est debout sur le même toit.
Y passerait-il nuit et jour ?

Un jeune homme arrive, regarde le paysage avec les jumelles d'hier.
Aucune Occidentale en vue. La piscine est vide.
J'écris sans faire attention à son manège.

Il observe des touristes prenant leur petit-déjeuner sur une terrasse.
Sa tenue de maître-nageur des années 1900 est proche de celle des cyclistes actuels. Maillot à rayures horizontales rouges et blanches, avec un pantalon rouge.
Après dix minutes, il appelle sur son portable.

Un nouveau jeune homme arrive, braque aussitôt l'énorme paire de jumelles vers le paysage.
Il a le visage fin et s'habille discrètement.
Parfaite antithèse de mon voyeur, au visage épais de brute, aux yeux globuleux.
Tous deux commentent les découvertes optiques du premier.

Ils s'asseyent à ma table, posent portables et jumelles, à côté de mon cahier.
C'est tellement plus agréable de discuter sous mon nez, alors que trois tables sont libres !
Concentré, je les ignore complètement.

Déçus, ils s'installent à une autre table, commandent un thé au cuisinier.
Après une exploration minutieuse à la jumelle, une conclusion s'impose.
Il n'y a rien d'intéressant à observer.
Ils quittent la terrasse avec portables et jumelles.


Et l'homme au téléphone, me direz-vous ?
Il a disparu.

Peut-être avait-il sommeil ?


Lionel Bonhouvrier.

samedi 17 juillet 2010

C6. LAC PICHOLA à UDAIPUR (Poème) (17.07.10)



LAC PICHOLA à UDAIPUR

(poème)




A l'aube, tes yeux s'ouvrent
tu montes sur la terrasse
porté par le chant des oiseaux

Le lac frémit sous la brise
aigrettes et jabirus piétinent la vase
lorgnés par un chien en vadrouille

Tu es là, hypnotisé
par chaque seconde
dans la douceur de l'air

Où seras-tu demain ?
peu importe

Nous pouvons aller de lac en lac
parcourir le désert de Thar
ou quelques vallées himalayennes

Ce jour est unique
en sa gangue de soie fiévreuse
hors de prix, irremplaçable


Lionel Bonhouvrier.

vendredi 16 juillet 2010

C5. AVOIR le TEMPS (Poème, Udaipur, 16.07.10).



AVOIR le TEMPS

(poème)





1


avoir le temps
pour faire ou ne rien faire
ouvre le coeur
à l'instant germinal

il trouve sans chercher
en pleine confiance
le chercheur
d'éternité


2


avoir le temps
est
trésor inépuisable

celui qui
dépense le temps
sans compter
atteint le comble de la
générosité

il puise à la source, au secret
il se nourrit au lait du ciel

Lionel Bonhouvrier.

C4. HAIKUS d'UDAIPUR (16.07.2010).



HAIKUS d'UDAIPUR



Des pluies d'apocalypse
pure violence
rien d'autre ne compte plus


Plus d'air, plus un souffle

je monte sur la terrasse
la pluie ayant cessé


Mon coeur absorbe le cri des oiseaux
cela remonte des ténèbres du temps
comme de la vase au bord d'un lac


Trois pipits affolent un chien
par leurs cris de guerre
leurs attaques en piqué


Des nuages de pigeons
vont et viennent
par bourrasques


Un mainate - enfin
silencieux
un ver dans le bec


Lionel Bonhouvrier.

C3. Des TOURISTES (Udaipur) (16.07.2010).



Des TOURISTES (Udaipur).



1


Certains touristes s'imaginent
que les autres n'existent
que pour être photographiés

un refus de l'indigène
est incompréhensible

une demande d'argent
peut les faire réfléchir
l'argent a parfois du bon


2


Des mendiants font la manche
sous balcons et terrasses
des hôtels et des restaurants
donnant sur le lac

agacement des touristes
persuadés en leur richesse
d'être tranquilles quelque part
n'y avoir plus de comptes à rendre


Lionel Bonhouvrier.

jeudi 15 juillet 2010

C2. PETIT CONTE STRATEGIQUE (Udaipur). (15.07.10)



PETIT CONTE STRATÉGIQUE
(Udaipur).



Il était une fois à Udaipur...
... alors que je marche sur une berge du lac Pichola...
... un zébu, un âne et un chien m'abordent sans préambule.


D'une voix de sépulcre, le zébu m'annonce :
- "Nous venons de créer un Comité pour la sauvegarde écologique des lacs d'Udaipur. Voulez-vous en devenir le Président d'honneur ?"

Cela tombait mal.
Je méditais un plan stratégique de désengagement des présidences où mon sens du devoir m'avait appelé.
Ces trois forbans allait buter sur un os.

-"Chers collègues, la question est d'une importance vitale. Avez-vous des représentants des buffles d'eau dans votre Comité ?"
Un peu de zizanie m'éviterait la corvée d'une présidence supplémentaire.

Le zébu grogne de colère :
-"Ne m'en parlez pas ! Pour contrer notre Comité, ils viennent de créer le leur, uniquement composé de buffles d'eau. Ils prétendent qu'on ne peut rien faire sans eux. Quelle racaille !"

-"Chers collègues, ont-ils tord, dans le fond ? Votre Comité doit s'élargir jusqu'à devenir incontournable. Alors, les buffles d'eau devront fusionner avec vous."

Le chien se tourne vers le zébu :
-"C'est la meilleure tactique ! Pour l'instant, les aigles nous snobent. Mais les corneilles sont prêtes à adhérer. Ce sera plus facile alors de faire basculer les pigeons !"

L'âne opine du chef :
-"Comme le général Bonaparte l'annonçait avant Rivoli..."

-"Qui parle de Bonaparte ?", coupe le zébu. Puis sa voix devient de miel :
-"Nous savons que ce Congrès international vous occupe. Maître, votre célébrité nous serait d'un grand secours !"

-"Les buffles d'eau viendraient nous brouter dans la patte !", s'exalte le chien.

L'âne brait de plaisir : "Selon Clausewitz, la guerre suppose des ennemis. Or..."

-"Qui parle de Clausewitz ?", hurle le zébu. "Maître, pardonnez-lui ! Notre ami passe des nuits blanches à lire Jomini et compagnie. Revenons à nos moutons..."

-"Qui parle de moutons ?", réplique l'âne. De dépit, il se met à brouter.

-"Mes amis, chers collègues ! J'admire votre dévouement pour une sainte cause. Soyez assurés de mon respect. Justement, je méditais la conférence de clôture de cet important Congrès..."

Le chien jappe aussitôt : "Maître, nous ne voulons pas vous déranger davantage. Nous nous retirons humblement..."

-"Mais il faut sauver les lacs d'Udaipur !", lance l'âne en un lamento tragique.

Le zébu approuve l'âne.
Et le trio s'en retourne vers le nord, porter la bonne parole de mon ralliement inespéré.

Qu'est-ce qu'un incognito ?
Tant de crétins dépouillent les journaux ou les sites internet, que le désert de Thar n'offre plus un refuge inviolable.

J'accélère le pas, car il est temps de changer d'hôtel.
Et de trouver un mensonge acceptable pour les confrères de ce putain de Congrès.

D'après Liddell Hart...


Lionel Bonhouvrier.

samedi 10 juillet 2010

C1. RETOUR à UDAIPUR (Poème),(09.07.2010).


RETOUR à UDAIPUR

(poème)


pour PRIYA


parce que le temps me fait grâce
parce que ses pirouettes
brisent nos fragiles testaments
parce qu'habiter un corps et une âme
se mérite
retour à Udaipur

les heures avec Priya rythment
la marche dans la fraîcheur des jardins
aux longos facétieux
et sur les rives du lac Pichola
les jambes oscillent
aux pulsations du silence

que passé et futur ferment boutiques
le chant des oiseaux approuve
l'enfant du présent
méditer au temple de Kali Mata
- comme le vol plané d'un aigle -
font éclater la grenade du temps

jetons les téléphones portables
au fond du lac
parce que ceux qui ne comprennent pas
devront singer le temps
en ce palais des miroirs
au cour des millénaires

après sept voyages en Inde
le présent cligne son oeil de cyclope :
"alors, Léonidas, toujours d'attaque ?"
parce que les guerriers du temps
méditent
avant de regarder la mort en face
je porte une fleur en signe de deuil
qui respire son parfum d'absolu
est condamné de toute éternité

parce que le temps m'invite à la prière
je fouille l'instant au coeur de braise
parce que
parce que nos silhouettes tremblent
dans l'obscurité mauve
au sommet de buildings en flammes
et que la danse de Shiva incendie l'espace
retour à Udaipur



Lionel Bonhouvrier.

jeudi 8 juillet 2010

B4. DIALOGUE entre VOYAGEURS (Jaipur, 08.07.2010).


DIALOGUE entre VOYAGEURS

(JAIPUR)




Elle :
- "Mon amie et moi, nous aimerions faire votre connaissance. Pourquoi pas en soirée pour le dîner ?"
Lui :
- "J'accepte avec grand plaisir ! Converser en français me fera oublier mon anglais poussif et mes tentatives pour baragouiner en hindi..."
- Vous êtes un esprit ironique !
- Je me moque de moi-même, non des autres. Disons : "esprit humoresque" !

- Que faites-vous dans la vie ?
- Je voyage. Je bois beaucoup à cause de la chaleur. Je me douche à tous propos. En somme, je voyage d'une douche à l'autre...
- Mais que faites-vous en dehors de voyager ?
- Je me rase le moins souvent possible. Ce n'est pas bon pour le moral. Et les barbiers sont payés pour cela !

- Je voulais dire : avez-vous un métier ?
- Je crains que non. J'exerce comme professeur d'histoire. Je raconte des histoires à des élèves. Trouvez-vous cela un métier sérieux ?
- Êtes-vous toujours aussi ironique avec...
- Humoresque !
- Oui, humoresque... Est-ce inné, ou jouez-vous un rôle pour la galerie ?
- Cette question me dépasse. Je préfère vous laisser juge, ne pas arbitrer entre l'inné et l'acquis !

- Quels sont vos rapports avec les femmes ?
- Ce sont des êtres avec lesquels les rapports peuvent être profonds, voire jouissifs !
- Pas très subtile, cette allusion sexuelle !
- Le sexe n'a que faire de subtilité. Quand il est irradiation de deux consciences (mais c'est rare !), on peut lui consacrer une partie de son emploi du temps...

- Comment me trouvez-vous, physiquement ?
- Attirante... Mais doit-on faire l'amour avec toute femme que l'on trouve à son goût ? S'abstenir est la preuve d'un goût plus sur !
- Si je veux, je vous mets dans mon lit dans les 48 heures !
- Une telle assurance est précieuse. Mais que faites-vous de ma liberté ? Un trop bon marche, je le crains !

- Ne trouvez-vous pas les femmes bien supérieures aux hommes ?
- Cette idée ne m'a jamais effleuré l'esprit. Je vous promets d'y réfléchir !

- Qu'admirez-vous le plus chez les femmes ?
- Leur faculté à poser des questions !
- Et que détestez-vous le plus ?
- Leur manque d'égards pour le silence.
- Vous me reprochez d'être trop bavarde ?
- Interroger le silence, de question en question, est plus enrichissant pour l'esprit.

- Mais cela m'intéresse de vous interroger !
- Je souhaite que mes réponses soient à la hauteur de la haute opinion que vous avez de vous-même !
- Cette remarque manque vraiment d'élégance!
- Je tente de cultiver la vérité, ne me blâmez pas trop !

- Pensez-vous que la vérité soit supérieure à tout ?
- Tout homme doit rechercher la vérité et la justice.
- Et l'amour ?
- L'amour est une autre forme du silence et de la solitude.


Lionel Bonhouvrier.